Etre ou ne pas être…en capacité

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Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? cette question se pose en effet lorsque l’on observe les tendances langagières actuelles.

 « Cap ou pas cap ? » disent les enfants par défi. Sur le même mode on trouve d’ailleurs la version plus méprisante, parfois même dépitée : « même pas cap…. ».

Les adultes cherchent – qui sait ?-  à travestir leur part d’enfance et renouvellent le défi : « euh Gérard, tu es en capacité de faire un scan avec la nouvelle machine ? ». Si Gérard ne sait pas faire, on pourrait lui balancer « pfff, même pas en capacité le type… ».

Cette expression permet de donner un côté professionnel – et donc sérieux – aux affaires les plus banales. Pourquoi ne sommes-nous plus en capacité de parler net ? Par exemple, on pourrait dire « Gérard, tu sais faire un scan avec la nouvelle machine ? » ou, si on veut à tout prix associer Gérard à une matrice d’aptitudes réalisées ou non, on peut opter pour le plus classique mais néanmoins efficace: « Gérard, es-tu capable de scanner avec la nouvelle machine ? ».

Mais je manque sans doute un point. Être en capacité, ce n’est pas exactement être capable, c’est quelque chose de plus. Gérard pourrait être capable, dans l’absolu, de scanner, mais ne pas être en capacité de le faire, en pratique, parce qu’au moment précis où on lui pose la question, il a autre chose à faire. S’il répond « non je ne suis pas en capacité de le faire », cela ne veut peut-être pas dire stricto sensu qu’il ne sait pas scanner mais que, en l’état actuel des choses, il ne peut pas nous aider. C’était bien la peine de faire ces salamalecs.

Dans le fond, ce qui nous intéresse, c’est qu’il nous le fasse ce maudit scan ; on se fiche qu’il sache le faire ou non dans l’absolu. Et c’est peut-être ce que révèle cet usage de l’expression : ce qui compte, c’est que les gens soient opérationnels. Comme des fusées en lancement, nous devenons des agents en capacité (même si la comparaison de la fusée qui décolle et de Gérard qui utilise une imprimante est peut-être un peu risquée).

Mais, surtout, le plus agaçant demeure cette enflure du vocabulaire, ce caractère pompeux et ridicule donné au discours, cette fausse correction qui donne aux incultes le sentiment d’être lettrés. Si  seulement le fait de rajouter des mots pouvait combler le vide des phrases, doivent-ils penser… mais je n’accable personne. Il a dû y avoir quelqu’un, dans un obscur bureau d’une obscure ville de France qui a décidé que nous utiliserions cette expression. Et elle se répand, comme un virus. Même des gens bien sont frappés. Ne vous sentez donc pas visés s’il vous est déjà arrivé de parler ainsi. Et rentrez dans la lutte, avec pour seul mot d’ordre :

L’expression « en capacité » a vocation à disparaître.

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Tout comme l’expression « avoir vocation à » est en capacité de me fournir un nouvel article.

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